Article paru dans le journal « Dos aux Murs » N°0
Il suffit d’ouvrir les yeux pour s’apercevoir qu’il ne reste plus beaucoup de logements anciens sur la Plaine. Historiquement, la Plaine était un des bassins industriels les plus importants de France.
Les années 1990 marquent un tournant avec l’émergence d’une politique planifiée à long terme de restructuration urbaine en profondeur. La construction du Stade de France a sifflé le coup d’envoi d’une modification radicale de la Plaine Saint-Denis et de son ambiance : expropriations, expulsions, démolitions, constructions de logements neufs, de squares, de « jolies rues propres », d’arrêts supplémentaires sur les lignes B et D, renouvellement/embourgeoisement (pour ne pas dire blanchiment) progressif de la population, etc.
La Plaine, nouveau quartier de La Défense
Ce territoire, aux portes de Paris, représente un juteux marché immobilier pour les promoteurs et les grands groupes industriels et tertiaires. Ces derniers rachètent des terrains à un prix défiant toute concurrence pour y implanter leur siège : Generali, Arcelor-Mittal, Orange, Bouygues immobilier, Randstad, la SNCF, le siège du Grand Paris, SFR… Ces implantations attirent les cols blancs et vident les dernières poches de vie ouvrière ayant construit et fait vivre le quartier. Les opérations de communication de Plaine Commune vantent les opportunités d’emploi pour la population de Saint-Denis, mais la réalité est toute autre : au siège d’Orange, « “il n’y a que cinq dionysiens sur mille huit cents employés” témoigne une salariée. La grande majorité des salariés – des commerciaux et ingénieurs surdiplômés – gagnent entre 3 500 et 8 000 euros nets par mois » (4). Les projets pharaoniques (130 000 m² pour le futur siège de SFR prévoyant d’accueillir près de 8 000 salarié.e.s) s’accompagnent d’une transformation de l’espace, qui devient toujours plus sécuritaire, et des commerces : brasseries branchées, caves à vins, et boutiques chics remplacent les épiceries et bars de quartier.
En ce qui concerne le logement, les dernières maisons anciennes (toujours habitées) vont être rasées pour laisser la place à de nouveaux quartiers où fleuriront des constructions en phase avec le business écolo, aux loyers forcément plus élevés. Ces quartiers sont destinés à accueillir des classes moyennes supérieures, avec un bon pouvoir d’achat, et éventuellement sensibles à l’argument de vente de « développement durable ». Les classes populaires sont refoulées plus loin, pour attirer des cadres qui vont travailler dans ces nouveaux bureaux.
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(4) Benoît Bréville et Anaëlle Verzaux, « La Seine-Saint-Denis entre deux
mondes », Le Monde diplomatique, mars 2012.